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Verdict procès Thomas Sankara: Et si on pensait maintenant aux causes orphelines ?

 

Blaise Compaoré : condamné à la prison à vie ;

Gilbert Diendéré : condamné à la prison à vie ;

Hyacinthe Kafando : condamné à la prison à vie.

Voilà pour les principales têtes daffiche qui écopent de la peine maximale, à laquelle sajoute la sanction de déchéance de toutes leurs décorations.

Hier mercredi 6 avril 2022,  en effet, le procès Thomas Sankara a rendu son verdict à lissue de six mois de débats.

Six mois au cours desquels le président de la Chambre de première instance du tribunal militaire de Ouagadougou siégeant à la salle des Banquets de Ouaga 2000,  Urbain Médah, a entendu douze prévenus sur les quatorze, vu défiler une centaine de témoins et compulsé un volumineux dossier de 20 000 pages.

Pour certains, c’était le verdict le plus attendu dans lhistoire judiciaire du Burkina Faso. Cest à la fois vrai et faux.

Vrai,  au regard des circonstances tragiques dans lesquelles le héros et héraut   de la révolution burkinabè a été assassiné en octobre 1987.

Vrai, également,  du fait du charisme qui fut celui du président du Conseil national de la révolution (CNR).

Vrai, enfin, si lon se réfère à la longue quête de justice des ayants droit de lillustre disparu qui ont déposé une plainte depuis 1997 pour « assassinat et recel de cadavre ». Mais pour des raisons évidemment politiques,  il aura fallu attendre la chute de Blaise compaoré en 2014 pour que le dossier soit rouvert par le fait du prince, en loccurrence par le président de la transition dalors, Michel Kafando.  

Si, en effet, rapportée à certains faits,  la sentence tombée hier à la salle des Banquets de Ouaga 2000 peut être perçue comme la plus attendue dans lhistoire judiciaire de notre pays, il convient néanmoins dy mettre un bémol.

Cest que, à la lumière des audiences parfois mâtinées de considérations politico-idéologiques,  il ne faisait guère de doute que la culpabilité des principaux mis en cause serait établie par le président du tribunal et seul restait en réalité le tarif qui serait collé à chacun dentre eux.

Cest désormais  chose faite.

Si certains comme le médecin Alidou Jean Christophe Diébré (celui-là même qui, sur le certificat de décès,  a fait cas de « mort naturelle  du chef de la révolution burkinabè», Amado Nana et Bossobè Traoré ont été acquittés, de manière générale on constate que le tribunal a eu la main particulièrement plus lourde que le procureur. En tout cas en ce qui concerne notamment les trois têtes de proue de la conjuration qui a été fatale à Thom Sank.

En effet, le parquet militaire avait, on se rappelle, requis trente ans de réclusion contre Blaise Compaoré et son ancien ange gardien, Hyacinthe Kafando, tous deux jugés par contumace, et vingt ans contre Gilbert Diendéré.

En lieu et place de cela, cest la perpète qui fait chavirer de bonheur les sankaristes de tout le pays, qui ont dailleurs paradé dès la fin de laudience, de la salle des Banquets au Mémorial Thomas-Sankara pour un grand rassemblement populaire.

Du reste, certains estimeront que les trois doivent sestimer heureux d’être en vie et davoir bénéficié dun procès, chance quils nont laissée ni  à Sankara ni à ses douze comourants.

Cela dit, maintenant que justice est enfin rendue à licône panafricaine de la lutte contre limpérialisme, on comprend le soulagement légitime qui peut être celui de sa veuve, Mariam, de ses enfants, Philippe et Auguste, et de lensemble de sa famille biologique, qui viennent dobtenir gain de cause au terme dun marathon judiciaire qui n’était pas gagné davance.

Voici donc, sous réserve dappel, un dossier politico-judiciaire de réglé, mais on ne sait pas encore si les sentences prononcées vont contribuer à limpératif de réconciliation nationale que tout le monde appelle de ses vœux.    

Au demeurant, si  la galaxie sankariste a obtenu justice, il ne faut pas oublier les nombreuses causes orphelines qui nont ni avocats, ni comité international, ni chapelles politiques, ni artistes engagés pour être entendues.

Le disant, nous pensons notamment aux différents crimes de sang qui ont aussi  émaillé le court règne de Thomas Sankara.

Les assassinats de Yorian Gabriel, Fidèle Guébré, Didier Tiendrébéogo et compagnie, Amadou Sawadogo, et nous en oublions,  méritent eux aussi d’être élucidés.

Charismatiques ou pas, toutes ces victimes ont elles aussi des veuves et des orphelins qui souffrent dans le silence et dans lindifférence des uns et des autres.

Certes sur le plan judiciaire, tous ces crimes sont frappés de prescription.

Certes également,  sous  Blaise Compaoré, il y a eu des indemnisations financières que certaines familles de victimes de violences politiques ont dailleurs rejetées.

Mais à défaut dun procès comme celui qui vient de se terminer, tous ont aussi droit à la vérité et veulent aussi savoir ce qui sest réellement passé.

Et à limage de ceux qui ont défilé depuis octobre passé à la salle des Banquets de Ouaga 2000, ce ne sont pas les témoins vivants des abominations de la révolution qui manqueront pour, dans le cadre dune commission Vérité,  venir expliquer aux parents concernés ce qui sest réellement passé.

Après quoi, on pourrait organiser une journée de lustration pour évacuer les mares de sang dans lesquelles nous pataugeons depuis de longues décennies.

Cest à ce prix quune véritable réconciliation pourra se faire sans laisser personne sur le bas-côté de la route qui mène vers une nation de fraternité et d’égalité.

 

 

Alain Saint Robespierre

 

 

Dernière modification ledimanche, 10 avril 2022 19:46

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